Le Havre : un week-end couleur béton sous le soleil normand

Le Havre, c’est vrai, traîne cette réputation de ville terne à l’ambiance béton. Une destination triste, grise, un port industriel lové à l’extrémité de l’estuaire de la Seine que certains nommèrent même Stalingrad-sur-Mer. Ville de contrastes, elle est pourtant un véritable laboratoire d’architecture moderne à ciel ouvert, qui lui vaut d’ailleurs un classement au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ici, plus que nulle part ailleurs, Perret, grand architecte de la reconstruction d’après-guerre, a imprimé sa marque.

J’ai toujours été attiré par le Havre, pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’elle fait partie de mon enfance. J’y suis venu, il y a longtemps, avec mes parents, mais je n’en garde aucun souvenir. La seconde, c’est que je me passionne pour l’architecture du XXe siècle, les grands ensembles, le mouvement Moderne des 30 glorieuses, l’héritage du Corbusier… Alors quand j’ai appris que je devais venir au Havre pour participer à une compétition de patinage, l’occasion était trop belle !

Evidemment, le Havre est pour moi un terrain de jeu immense. Même si j’ai manqué de temps pour aborder la ville comme je l’aurais voulu, cette première rencontre avec la Porte Océane est une révélation.

Carnet de voyage au Havre en Normandie

Quadrillage, lumière et grands espaces

La première impression qui me vient quand je pense au Havre, c’est une impression de respiration. On a de l’espace, la place de circuler librement dans la cité sans être dérangé en permanence par la foule ou la circulation. C’est rare dans une ville !

Là où plus rien n’existait après la guerre, si ce n’est un terrain vague et un champ de ruines, Auguste Perret a imaginé une ville du futur parfaitement calibrée autour d’un triangle monumental, réunissant la place de l’Hôtel de Ville, la Porte Océane et le front de mer. Non seulement, Perret s’appuie sur les anciens plans du Havre, mais il évoque aussi dans certaines rues des artères très célèbres de notre capitale. 

Découvrir l'architecture du Havre le temps d'un week-end

Ainsi, la rue de Paris se veut une réinterprétation contemporaine de la rue de Rivoli. Pensez-y lorsque vous vous baladerez sous ses impressionnantes arches en béton, en admirant la perspective qui porte jusqu’au Catène de Conteneurs. Vous regarderez le Havre d’un tout autre œil, je vous le promets !

D’arcades en enfilades, je file à pied le long des larges avenues aux architectures rectilignes qui ont façonné la personnalité de cette cité moderne qui , à chaque coin de rue, y va de sa petite leçon d’architecture. C’est un royaume de béton, synonyme de progrès dans les années 1950, dominé par plusieurs édifices impressionnants, à l’image de l’église Saint-Joseph ou de l’hôtel de ville, véritable sentinelle surgissant au cœur d’une place qui semble taillée au cordeau.

Panorama sur le Volcan, scène nationale du Havre

J’ai eu la chance de découvrir le Havre sous le soleil et c’est juste magnifique. Le béton aime la lumière qui projette sur lui mille jeux d’ombres. L’architecture très massive, cubique, parfois austère du Havre se révèle avec un visage très différent à la lumière du soleil. Surtout au début du printemps, quand elle est encore plutôt douce et que le soleil n’atteint pas tout à fait le zénith. C’est un vrai paradis pour la photographie et chaque cliché devient magique.

La Porte Océane : et tout au bout il y a la mer

Quoi qu’on en dise, le Havre sonne l’appel du large ! C’est en tout cas l’essence même de la Porte Océane qui se veut un pont, une passerelle entre la ville et la mer. En découvrant cet ensemble monumental, j’ai été impressionné par sa puissance brute. On n’est pas dans le beau, en tout cas au sens premier du terme. Mais ces deux immeubles de 13 étages dressés face à la mer ne laissent pas indifférent, je peux vous l’assurer.

Vue sur le Havre depuis le front de mer : la porte océane

Pour Auguste Perret en tout cas, cette Porte Océane représentait de manière symbolique le portail de la cité portuaire pour toutes les transatlantiques en provenance de New-York. Alors est-ce un hasard si l’église Saint-Joseph et son monumental clocher évoquent presque instantanément un gratte-ciel new-yorkais ? Peut-être pas. En tout cas, depuis la plage, posté derrière le skate parc, on pourrait rebaptiser cette ville New-York-sur-Manche ou Manhattan-sur-Mer, comme le romancier Christophe Ono-dit-Biot .

Saint-Joseph : l’église gratte-ciel

Saint-Joseph justement, là voici en face de moi. 107 mètres de haut. Une flèche de béton à la fois monumentale et sobre qui guide les havrais comme les navires qui arrivent au port. Un phare en pleine ville diront certains. Si elle impressionne depuis la rue, c’est en passant son porche que la magie opère. On reste sans voix en découvrant l’immense nef en croix grecque qui semble suspendue dans les airs, sans aucun pilier pour la soutenir. Une véritable prouesse imaginée par Auguste Perret et Raymond Audigier.

L'église Saint Joseph du Havre

Et puis il y a ses 6500 vitraux, composés de 12768 pièces de verre qui viennent illuminer le béton austère d’incroyables couleurs chaudes, qui s’éclaircissent en grimpant vers le clocher. Cette lumière si particulière me rappelle l’atmosphère singulière d’une autre basilique, elle aussi en béton, la Sagrada Familia à Barcelone. Ne cherchez aucune paternité entre les deux édifices, il n’en existe pas, mais le jeu de lumière imaginé par les deux architectes, à deux époques différentes, à quelque chose de céleste.

Sous la nef de l'église Saint-Joseph du Havre

Sur le front de mer : le Muma et le port du Havre

En sortant de l’église, la tentation est trop forte d’aller voir la mer. A l’époque où je découvre le Havre (début avril), les célèbres cabanes de la plage ne sont pas encore montées, dommage ! Mais les innombrables gargotes qui jalonnent la promenade du front de mer ont déjà sorti les terrasses. 

En route vers le port du Havre par l’avenue Clémenceau, je vous recommande une pause gourmande à la Voile Bleue. Cette brasserie branchée propose une cuisine du marché avec beaucoup de produits frais, du poisson du jour et une très belle carte des vins. En marchant en direction du port autonome du Havre, on passe au pied du Transatlantique, un immeuble de style art-déco construit en 1938 par l’architecte havrais Henri Daigue. Et juste à côté, on découvre le tout nouveau White Pearl, un complexe en béton imaginé comme un hommage à Perret. Il dévoile un point de vue unique sur l’église Saint-Joseph, qui apparaît dans un encadrement contemporain. L’arrêt photo est obligatoire !

Architecture art déco au Havre

Vue sur l'église depuis le front de mer du Havre

Je continue ma route vers le sud, guidé par l’impressionnante vigie du port et je passe bientôt au niveau du MuMa. Lorsque Reynold Arnould se voit proposer le projet d’un nouveau musée destiné à remplacer celui détruit pendant la guerre, il a l’ambition de créer pour le Havre un lieu totalement visionnaire et moderne. Du jamais vu en Europe. Il confie le projet à l’architecte Guy Lagneau qui imagine un trésor d’architecture minimaliste. Ici encore, ce sont l’espace et la lumière qui définissent l’architecture du lieu. Et sur le parvis cette antre de l’impressionnisme et du fauvisme, inaugurée par André Malraux en 1961, se trouve une sculpture monumentale baptisée Le Signal. Pour son auteur Henri-Georges Adam, elle symbolise une « proue de bateau, qui signale le musée au monde ». Un clin d’œil à Perret, certainement…

Le Muma : musée du Havre

Un volcan dans la ville

Je voulais venir au Havre pour le voir, le fameux Volcan d’Oscar Niemeyer. C’est assez incroyable d’avoir eu l’idée d’imbriquer dans une même ville l’architecture rectiligne de Perret et l’amour pour les courbes et les lignes libres de Niemeyer. On pourrait croire que tout les oppose et pourtant, la nouvelle maison de la culture du Havre trouve toute sa place dans la trame orthogonale du Havre, imaginée par l’architecte français.

Le volcan de Niemeyer

Le Volcan nous offre une oasis imposante et futuriste, face au bassin du Commerce. Vu du ciel, le Grand et le Petit Volcan dessinent la colombe de la paix. Ce lieu qui abrite aujourd’hui une bibliothèque et la scène nationale du Havre occupe la place de l’ancien théâtre de la ville, laissée vacante durant près de 30 années. Son architecture brutaliste, dite en mouvement, s’inspire des corps et de la nature, un véritable contraste avec l’environnement direct de l’édifice, plutôt rectiligne. 

L’un des meilleurs points de vue pour apprécier le volcan reste la passerelle François le Chevalier qui dévoile l’édifice dans une perspective intégrant le bassin du Commerce et au loin, le clocher de l’église Saint-Joseph.

Ainsi s’achève mon escapade havraise, un voyage qui je l’espère, vous donnera envie de découvrir ce port normand unique au monde ! Cet article est le premier chapitre du carnet Le Havre – Venise, un voyage en train de la Manche à l’Adriatique, en passant par l’Europe centrale.

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Comment rejoindre le Havre en train ?

Les trains TER du réseau Nomad desservent quotidiennement la gare du Havre. Comptez 45 minutes depuis Rouen et 2h20 depuis Paris Saint-Lazare. Il est également possible de rejoindre en direct Honfleur (Côte Fleurie) et Fécamp (Côte d’Albâtre).

En réservant à l’avance, le trajet depuis Paris coûte 16 euros, mais attention, les prix peuvent grimper rapidement pour dépasser 50 euros. Achetez votre billet dès que possible ! Plus d’infos sur le portail SNCF de Nomad Train.

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