Le train ouvre une fenêtre sur le monde et offre une expérience de contemplation en mouvement qui stimule l’imaginaire et réinvente notre manière d’explorer le territoire. Pour Samuela Burzio et Juliette Labaronne, le train n’est pas simplement un moyen de transport, c’est une véritable expérience de voyage.
Rencontre avec Samula Burzio et Juliette Labaronne
Comme nous le rappelle la revue Zadig, le train est devenu une passion française et c’est aussi une passion pour Samuela, qui est grande voyageuse et cofondatrice de OUAT. Quand elle n’est pas à Paris, elle voyage à bord d’un train à travers l’Inde ou à l’autre bout de l’Europe.
Juliette Labaronne est journaliste et autrice et c’est également une fondue de train. Après avoir travaillé comme journaliste pour la SNCF, elle a embarqué pour un grand voyage en train à travers l’Hexagone. De cette expérience, elle a écrit un livre intitulé « Slow train » qui est devenu l’ouvrage de référence de l’exploration ferroviaire en France. Elle y raconte ses escapades à bord du Cévenol, du TER Nîmes – Le Grau du Roi ou du train de nuit Paris – Cerbère.
Juliette et Samuela étaient toutes les deux des passionnées du rail avant l’heure. Lorqu’elles se sont rencontrées il y a quelques années, il n’y avait pas grand monde qui parlait de voyage en train. Aujourd’hui, c’est devenu la grande tendance, mais à l’époque, elles faisant vraiment figure de précurseuses.
Découvrez l’association Once Upon a Train
Chez Samuela, l’amour du train date de l’enfance. Il n’y a pas de question écologique à la base de ça. Elle a toujours aimé le train. À une époque où tout le monde prenait l’avion, elle effectuait régulièrement l’aller-retour Turin-Paris, parce qu’elle est d’origine italienne et qu’elle travaillait à Paris.
Samuela a fondé l’association Once Upon a Train parce qu’elle s’est rendue compte que le train avait disparu des récits de voyage. Pendant très longtemps, le train a inspiré beaucoup les auteurs, les poètes, les artistes, la littérature.
Comme moi, Samuela fait partie de la génération avion low cost. Dans les années 2000, elle a commencé à voyager très facilement en avion pour 20 € ou 30 €. Et petit à petit, le train a disparu des récits de voyage. Aujourd’hui, cette écolo convaincue a envie de militer pour un retour du rail et des modes de voyage plus respectueux de l’environnement.
Elle a aussi voulu créer cette association lorsqu’elle s’est aperçue qu’il pouvait être compliqué de voyager en train, surtout en dehors de la France. L’objectif de l’association, c’est de lever les blocages face au train, pour remettre ce mode de transport au cœur de l’expérience du voyage. Ainsi, les membres de OUAT organisent régulièrement des activités culturelles, des rencontres et des festivals. Ils proposent également des solutions pratiques pour voyager sans avion et sans voiture.
La France et son patrimoine ferroviaire
Juliette ne fait pas partie de la génération low cost. Lorsqu’elle était adolescente ou jeune adulte, on voyageait encore beaucoup en train, en tout cas au niveau européen, car ça coûtait bien moins cher que l’avion. Elle se souvient de l’époque de l’auto train. Enfant, elle habitait près de Lyon. Sa mère, une professeure d’origine bretonne, partait chaque année avec ses enfants en vacances, en embarquant la voiture à bord du train. C’est l’un des premiers souvenirs ferroviaires de Juliette. Peut-être l’expérience qui lui a mis le pied à l’étrier.
La France a la chance de posséder un véritable patrimoine ferroviaire, un savoir-faire du rail et des lignes extraordinaires qui ont été construites au XIXᵉ siècle, à un moment où le pays basculait dans la révolution industrielle. C’est passionnant de refaire l’histoire, d’essayer de comprendre pourquoi ces lignes ont été construites là ? Pourquoi certaines fonctionnent encore et d’autres pas ?
On entend souvent dire que le train en France est cher mais en vérité, il est possible de voyager pour pas très cher, tout en faisant plein de belles découvertes. Mais pour cela, il faut accepter de ne pas prendre forcément le TGV et d’aller fouiller dans la jungle des tarifs de la SNCF et des réseaux régionaux.
En prenant le train, on traverse les villages, on traverse les villes et on peut s’arrêter, faire du cabotage ferroviaire. C’est l’idée du livre de Juliette Labaronne. A l’époque, elle s’est rendue compte qu’il n’existant aucun ouvrage sur le voyage en train. Elle avait le goût de l’écriture, l’expérience de la SNCF, alors elle s’est lancée !
Préparer son voyage en train grâce aux cartes et aux planisphères
Dans le voyage, il y a un avant, il y a un pendant et puis il y a un après. Ce sont 3 trois temps extrêmement importants. On ne peut pas passer sa vie en vacances, sauf si on a beaucoup de chance. Alors réussir à faire vivre l’avant et l’après, c’est une belle manière de prolonger l’expérience, un peu comme une histoire d’amour. Grâce aux cartes et aux planisphères, Juliette se créé de véritables supports à l’imaginaire. Plus largement, elle milite vraiment pour que chacun se réapproprie ces temps de projections et réussisse à sortir du prêt à voyager, de ces séjours que l’on peut acheter clef en main.
Juliette s’appuie énormément sur des cartes lorsqu’elle prépare ses échappées ferroviaires. Les cartes papier permettent de déjouer les raccourcis que peuvent faire les GPS ou tout simplement les applis ou les sites de voyage. Inutile d’être un as de la géographie ! En consultant simplement une carte, on se rende compte qu’on nous fait parfois faire des trajets complètement délirants. Il existe des cartes ferroviaires, que l’on peut trouver par exemple sur le site d’Interrail ou de Back-on-Track. Ça donne plein d’idées, c’est une véritable source d’inspiration.
Le voyage en train : une autre expérience du temps
Lorsque Samuela prend la train, elle a l’impression qu’il se passe quelque chose avec l’espace-temps. Pour elle, le train réduit la distance et étire le temps. Parfois au moment d’embarquer pour un voyage sur les rails, on pense que ça va va être trop long. Et puis finalement, on arrive très vite. Il y a quelque chose de cet ordre là, d’élasticité du temps et de l’espace.
Plus qu’un moyen de transport, le train devient un véritable espace de vie, où il est possible de rencontrer l’autre et de vivre des expériences à part. Lorsque l’on part pour 19 heures de trajet à bord d’un train de nuit, on repense le voyage autrement. On organise sa soirée, sa nuit et sa journée sur des rythmes totalement différents. On se laisse bercer pas les paysages qui défilent. Le soir dans le wagon restaurant, on prend le temps de la rencontre. On observe la vie dans les voitures. Puis vient la nuit qui nous berce, au rythme du train, de son roulis. Au petit matin, les paysages ont changé, l’atmosphère est différentes, c’est déjà les vacances avant même d’arriver à destination…
Composer son voyage avec le maillage ferroviaire
En voyage, la liberté totale est parfois effrayante. Juliette fait partie de ces gens qui vont aimer contourner des contraintes dans la vie en général. Ça la stimule, ça la rend plus créative. C’est peut-être pour cela qu’elle aime tant le train. Avec le rail, on a un tissage, un maillage ferroviaire et quand les rails s’arrêtent, il n’y a plus de chemin possible. Lorsque l’on veut voyager en train, on doit donc construire son itinéraire avec ce réseau.
Et grâce à ce maillage, on va découvrir aussi des lieux auxquels on n’aurait pas pensé avant. Tout simplement parce qu’on va vouloir faire de pauses dans le voyage. Même en France, il est possible de voyager sur des itinéraires assez longs, si on traverse le pays d’un bout à l’autre et qu’on évite les TGV. Du coup, on va faire des escales qui n’étaient pas forcément prévues au programme. Ce sont des cadeaux. Il faut savoir accueillir ces escapades inattendues, voir même les intégrer dans le voyage même si on n’y avait pas pensé. Aller randonner dans les Cévennes, par exemple, sur le Cévenol qui part de Nîmes et qui va à Clermont, en déposant les voyageurs dans des endroits où aucune route ne va.