Villefranche et ses sorcières
Les rues sont vides et les rideaux de fer tirés. Personne dans les rues exception faite de quelques vieilles femmes dissimulées sous des foulards noirs qui traînent le pas. Elles disparaissent dans les maisons, les portes claquent. Un village de sorcières, c’est ce que l’on raconte dans la région. Et les commerçants jouent bien le jeu pour les touristes.
Une légende raconte que suspendue à une poutre ou à un lustre, elle conjure le mauvais sort à quiconque passera dessous. Une autre histoire dit que placée en face d’une ouverture elle envoie les mauvais esprits hors du foyer. Gardienne de votre maison et porte-bonheur, la sorcière empêchera même les gens mal intentionnés de franchir votre seuil.
On dit que les bruixess de Villefranche le Conflent, réfugiées dans des grottes alentours, descendaient l’hiver au village pour protéger les habitants en chassant le froid d’un coup de balai. Ainsi les villageois leurs vouèrent un véritable culte qui perdure encore aujourd’hui, plutôt pour le folklore évidemment. Ainsi de nombreux commerçants vendent encore des sorcières sur leur balai. Certaines traditions de protection perdurent toutefois en Catalogne comme les espanta-bruixes, une tuile relevée sur un toit censé chasser les sorcières.
Au bar du pompier
Pour trouver un peu d’animation dans la ville, il faut marcher jusqu’à chez Joël qui tient un curieux café-brasserie sur la place du Génie. Sur la terrasse, il y a ce petit camion de pompier, un manège pour enfant dans lequel on glisse une pièce pour le faire fonctionner, comme ceux que l’on trouve à la sortie des grands magasins. A l’étage, sur la façade de la bâtisse, on remarque une petite pompe à incendie installée sur un ancien soupirail en pierre. Etrange décoration. A l’intérieur, les murs sont recouverts de vieux articles de journaux racontant les exploits de la compagnie de pompiers du coin. Sur le bar, la pompe à bière elle-aussi ressemble à une borne à incendie. Dans la salle du restaurant, un ami me fait remarquer l’exquise collection d’assiettes en porcelaine, peinte avec des motifs à l’effigie des pompiers. Nous sommes assis à la table du fond, celle qui se trouve à droite de la cheminée. Derrière moi, il y a cette petite vitrine, presque un mausolée, où Joël entrepose toute une collection de bibelots : médailles, calendriers, briquets, figurines. On nous apporte l’Assiette du Bistrot, assortiment de spécialités catalanes, pas les meilleures du coin je pense, mais ça ira.
Bienvenue au bar « Le Canigou » (expo pompiers & sécurité civile) obert tot l’any (362 jours par an)… étant aussi pompier volontaire, veuillez excuser l’effervescence, l’éventuelle désorganisation voire la fermeture momentanée du bar les jours d’alerte ou de feu. Merci de votre compréhension.
Star d’un jour dans l’émission Envoyé Spécial qui tourne en boucle sur l’écran du bar , Joël est pompier et on ne peut pas le rater. Il déambule et sert ses clients en tenue, près à partir si jamais la caserne l’appelle. Et ici, il ne faut pas trop rigoler avec les pompiers, le jeune homme est chatouilleux. Au placard les plaisanteries douteuses sur son professionnalisme ou sur tout sujet touchant aux soldats du feu. Il est également le gardien du Fort Libéria, forteresse construite par Vauban sur les hauteurs de la ville. C’est ce que raconte le reportage, la bataille d’un homme pour préserver et faire connaître ce vestige de ingénierie militaire.
Le rebouteux des bains
Nous sommes remontés au delà d’Olette, en direction de Thuès, après le pont qui enjambe la Tèt au niveau des bains, curieuse institution flanquée au creux de la montagne. Avec ses murs gris et ses stores bleus années soixante, le bâtiment me fait un peu froid dans le dos, on le croirait hanté, fermé depuis des lustres. Par delà la voie ferrée, il existe des petits bassins d’eau sulfurée dissimulés en pleine nature. Un coin un peu à l’écart, pas si évident d’accès, surtout connu des gens du Conflent. Si les sources chaudes sont nombreuses dans les Pyrénées, la plupart ont été aménagées en bains publics comme à Dores ou à Saint Thomas. Rares sont encore les endroits sauvages.
On accède aux bains en remontant au-dessus d’un rocher puis en escaladant une montagne escarpée, en direction de la voie ferrée qu’il faut traverser par un trou fait à la sauvage dans le grillage. Quinze minutes plus tard voici les bains, trois petits bassins aménagés par l’homme et trois températures différentes, entre 40 et 70 degrés nous dit-on. Il y a déjà quelques baigneurs et visiblement, l’endroit est plutôt naturiste, le maillot n’est pas indispensable nous fait-on remarquer.
Sur le muret du deuxième bassin se trouve un homme d’une soixantaine d’années, qui porte un gilet fluo pareil à ceux des ouvriers de la voirie. Il a les mains posées sur le dos d’une jeune femme qu’il semble masser énergiquement. Il s’approche de nous en échangeant quelques politesses avant de nous confier qu’il est rebouteux et que si on le veut, il nous remet le dos en place. Le voilà donc installé avec l’une de mes amies à lui tripoter le dos et le torse. Un instant plus tard on dirait qu’il porte les mains sur ses seins tout en discutant, mais cela ne la gène visiblement pas. Elle me racontera que faisant cela, il lui confiait que c’est à ce moment-là que les femmes tombent généralement comme des mouches. L’homme serait-il un séducteur ? Curieuse rencontre en pleine forêt pyrénéenne.
Le café de l’Union à Fillols
Depuis Vernet les Bains, on peut rejoindre en moins d’une heure le petit village de Fillols, par le sentier qui remonte vers le vieux col de Fillols, à 838 mètres. Rendez-vous au café de l’Union sur la place du village, une brasserie tenue par Séverine et Céline. Assurément une bonne adresse si vous voyagez dans le coin. Un petit bistrot avec des tables en bois et des nappes vichy rouge qui sert une cuisine terroir à tomber par terre. Mention spéciale pour les desserts maison. Je pense que les patronnes garderont un souvenir particulier de notre passage. Pas sûr qu’elles continuent le commerce des jeux à gratter après cela. Je crois que je n’ai jamais vu autant de tickets gagnants en une seule journée. Bon au final c’est toujours la même histoire, à force de rejouer, on repart sans rien.
Compliqué de renter après un repas au Café de l’Union, en même temps pas trop le choix, la remontée jusqu’au vieux col s’annonce compliquée, d’autant qu’il ne faut pas traîner, le week-end est déjà terminé, il faut penser à repartir.
Cet article a 2 commentaires
Hé, ça fait du bien de lire un article qui se passe à deux pas de la maison…. Merci
En même temps il y a tellement de beaux coins par chez vous ! Ce serait dommage de ne pas en parler, surtout que c’est à 2 heures de route de chez moi !